Juin 2008
Psychiatre qualifié, psychologue et psychanalysteDocteur en Médecine et docteur d’État ès Lettres et ès Sciences Humaines Professeur émérite de Psychopathologie – Université de Paris-X
Directeur honoraire du Laboratoire d’exploration fonctionnelle et de recherche thérapeutique appliquée aux troubles cognitifs et intellectuels.
Une approche naïve des maladies mentales des enfants tend à supposer soit qu’ils ne pensent pas, soit qu’ils pensent comme nous. Les deux hypothèses sont bien sûr erronées.
Pour explorer leur pensée, nous disposons en général d’informations en provenance de l’école ou de la famille, qui sont souvent faussées par des interprétations personnelles de nos interlocuteurs. L’exploration de la pensée des enfants est riche en découvertes, mais problématique pour ceux d’entre eux qui sont dépourvus de langage. Elle nécessite une bonne connaissance de son développement chez l’enfant normal.
La pensée des enfants sans langage
Elle peut être explorée par leur posture, leur comportement, leurs réactions et interactions au cours de l’examen avec l’environnement et nous-mêmes. Elle peut aussi être explorée au moyen de jeux corporels d’imitation, de mouvements en écho à leurs propres mouvements, de jeux moteurs alternatifs, etc.
En pratique, les enfants sans langage peuvent être des sourds méconnus, des arriérés mentaux profonds, de graves retards d’acquisition du langage, des autistes, beaucoup plus rarement psychotiques, ou en plein conflit culturel. Chacun d’eux entre en relation avec nous, pour accepter ou éviter cette relation, voire à l’envahir, de manières très caractéristiques.
La pensée des enfants ayant acquis le langage
A ce qu’apportent les observations des enfants sans langage, l’écoute de leur élocution, de leurs paroles et de leur langage est hautement informatif, si on sait accéder à l’expression sans crainte de ce que l’enfant pense vraiment, et non à ce qu’il croit qu’on attend de lui, ou à ce qu’il répète les paroles de ses enseignants, de ses parents, de ses proches, etc. Ce que l’enfant peut dire de sa vie, de ses soucis, de ses plaisirs, de ses attentes et de ses craintes constitue un canevas qu’il enrichit selon ses capacités et les formes de sa pensée. D’autre part, il peut expliquer ses opinions et ses raisonnements, qui sont souvent bien éloignés de ce qu’ils seront à l’âge adulte. Il est important de le laisser parler comme ça lui vient, en étant attentif à de nombreux points, en particulier aux enchaînements tonico-posturaux, au bon ou mauvais usage des différentes mémoires, à la possibilité de suivre un déroulement d’idées, ou au contraire de passer sans cesse d’un sujet à l’autre, de maintenir sa pensée en lui, ou de la projeter sur nous ou sur l’environnement, etc.
Quelques éléments de repérage
La pensée est-elle bien organisée, sans expression de contradictions, l’enfant peut-il faire un récit, l’ordonne-t-il dans le temps et dans l’espace, évoque-t-il des sentiments et des émotions banales. Au contraire sa pensée est-elle envahie par des représentations imaginaires, des craintes et des erreurs de jugement. Entre les deux, tous les intermédiaires sont possibles.
Le schéma des contenants de pensée
Repérer comment interviennent – ou n’interviennent pas – les contenants de pensée fantasmatiques, cognitifs, narcissiques, symboliques complexes et culturels permet de prendre des décisions appropriées aux désordres de la pensée, aux capacités de socialisation et d’apprentissage, aux nécessités de prises en charges spécifiques.
Bibliographie
1) deux livres épuisés, mais présents dans beaucoup de bibliothèques :
- L’enfant à l’intelligence troublée, Païdos éd.
- La pensée décontenancée, Païdos éd.
2) quelques articles récents :
- 2006 - La question du fond et de la forme des représentations mentales - Le journal des psychologues, février 06 n°234.
- Clinique et DSMIV Editorial de la revue Perspectives psychiatriques, avril-juin 2006
retour à la page des rencontres 2008
