Le Jeu des Trois Figures
Prévenir la violence et le harcèlement scolaire en développant l’empathie dès l’école maternelle
Prévenir la violence et le harcèlement scolaire en développant l’empathie dès l’école maternelle
Serge TISSERON
(voir la vidéo en bas de page)
Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, docteur en psychologie HDR (habilitation à diriger des recherches), membre du LASI (Laboratoire des Atteintes Somatiques et identitaires à l’Université Paris Ouest Nanterre.
Il a publié une quarantaine d'ouvrages personnels. Il s’est fait connaître en publiant sa thèse de médecine sous la forme d’une bande dessinée (1975), puis en découvrant le secret familial de Hergé uniquement à partir de la lecture des albums de Tintin (1983) quatre ans avant que la réalité de ce secret ne soit confirmée par des recherches biographiques.
Ses recherches portent sur trois domaines : les secrets de famille liés aux traumatismes et leurs répercussions sur plusieurs générations; les relations que nous établissons avec les diverses formes d’images; et la façon dont les nouvelles technologies bouleversent notre rapport aux autres, à nous même, au temps, à l’espace et à la connaissance.
Il est à l’origine du mot « extimité » (L’intimité surexposée, Août 2001) pour désigner la tendance à faire passer certains aspects de son intimité dans l’espace public.
Ses livres sont traduits dans quatorze langues. Il est fréquemment sollicité comme expert par les différents ministères.
Dernier ouvrage paru : Rêver, fantasmer, virtualiser, du virtuel psychique au virtuel numérique (2012, Dunod).
Serge Tisseron tient un blog : http://www.squiggle.be/tisseron
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L’empathie est l’aptitude qui nous permet de nous mettre, au moins partiellement, à la place de l’autre. Elle joue un rôle essentiel dans la vie sociale comme prévention des attitudes violentes. Mais comment apprendre l’empathie aux enfants? Pour y parvenir, nous avons mis au point, puis expérimenté avec succès (1) , un protocole de jeu de rôle susceptible d’être pratiqué par les enseignants des classes maternelles après une formation de trois journées réparties sur l’année. Nous avons appelé ce protocole le Jeu des Trois Figures par allusion aux trois personnages présents dans la plupart des histoires regardées et racontées par les enfants : l’agresseur, la victime et le redresseur de torts.
Cet objectif se situe dans le cadre des préconisations de lutte contre les violences à l’école développées par le Ministère de l’éducation nationale.
En pratique
Le Jeu des Trois Figures a lieu une fois par semaine, plutôt en début d’après midi parce qu’il s’agit d’un moment moins propice aux apprentissages proprement dits. Il dure une petite heure, et se déroule idéalement par demi classe pour que le nombre d’enfants soit moins important. C’est évidemment plus facile quand deux enseignants d’un même établissement ont suivi la formation et sont d’accord pour avoir, une heure par semaine, une classe et demi afin de permettre à leur collègue de n’en avoir qu’une demi.
Il est facile à mettre en place en moyenne et grande section du fait de l’aptitude des enfants à construire une histoire et à mémoriser des dialogues. Il peut aussi être utilisé par des éducateurs de jeunes enfants. Il a également été utilisé avec succès dans des classes de CP. Au-delà, il semble que les contraintes scolaires ne sont plus compatibles avec l’organisation, par l’enseignant lui-même, du Jeu des Trois Figures. Tous les enfants peuvent en revanche continuer à en bénéficier, à condition qu’il soit pratiqué par un animateur spécialement formé, sur une tranche horaire distincte de la vie scolaire.
Mais c’est en classe maternelle que ce jeu a le plus de sens.
Objectifs.
Le Jeu des Trois Figures remplit cinq des six objectifs que les programmes français fixent à l’école maternelle : s’approprier le langage, apprendre les règles de la socialisation et du bien vivre ensemble, agir et s’exprimer avec son corps, mettre en œuvre l’imagination, et valoriser la référence à l’écrit. Sa pratique montre en outre qu’il facilite l’apprentissage de la langue française chez les élèves non francophones.
En plus, il remplit trois fonctions qu’aucune activité ne remplit aujourd’hui en classe maternelle :
- il constitue une forme de pré éducation aux images en permettant aux enfants de prendre plus de recul par rapport à celles qu’ils voient, notamment à la télévision
- il apprend le « faire semblant » et incite les enfants à « imiter pour de faux » dans leurs jeux plutôt que « pour de vrai ». Ils peuvent passer des représentations de premier ordre, fournies par les organes des sens, aux représentations de second ordre.
- enfin– et c’est la raison principale pour laquelle nous encourageons sa mise en place – il invite les enfants à s’imaginer dans chacune des postures d’une situation agressive et réduit la tentation de la violence en encourageant la capacité d’empathie.
Autant d’arguments qui justifient de l'intégrer au plus vite dans le temps scolaire. D’autant plus que les membres des RASED et les psychologues scolaires pourraient être de précieux soutiens pour la formation, la mise en place et le suivi de cette pratique.
(1) En 2007 et 2008, grâce à la Fondation de France (résultats complets de la recherche sur http://www.yapaka.be, également publiés dans Devenir, 22, 1, 2010)
Pour en savoir plus
- Serge Tisseron La Résilience - PUF Que sais-je ? 2007
- Serge Tisseron Virtuel, mon amour ; penser, aimer, souffrir à l’ère des nouvelles technologies - 2008, Paris : Albin Michel
- Serge Tisseron Qui a peur des jeux vidéo ? - 2008, Paris : Albin Michel (en collaboration avec Isabelle Gravillon)
- Serge Tisseron Le jeu des trois figures en maternelles, Yapaka, 20O9 (réédition FABERT)
- Serge Tisseron Les secrets de famille, PUF Que sais-je ? 2011
- Serge Tisseron Rêver, fantasmer, virtualiser, du virtuel psychique au virtuel numérique, Paris : Dunod, 2012
- Un manuel pratique : Tisseron S. (2011) Le Jeu des Trois Figures en classes maternelles, Paris: Fabert (téléchargeable sur http://www.yapaka.be)
- Un ouvrage sur l’empathie : Tisseron S. (2010) L’Empathie, au cœur du jeu social, Paris: Albin Michel
- Un article : Tisseron S. (2010) Prévention de la violence par le « Jeu des trois figures », Devenir, Volume 22, Numéro 1, 2010, pp. 73-93.
- Trois liens :
http://www.yapaka.be/book/export/html/453
* La prévention de la violence à l'école maternelle, documentaire de Philippe Meirieu - 60 min
http://www.capcanal.com/video.php?rubrique=1&emission=1&key=3rq5bExoHG
* Les résultats complets de la recherche sur http://www.yapaka.be
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